Alors que la plupart d’entre vous profitaient de vacances oh combien méritées, OXYGENE avait dépêché deux de ses moniteurs au fond de la vallée de Chamonix avec une mission très précise : faire la première trace de la saison dans la face des Grands Montets.
Qu’est ce donc que la la face des Grands Montets ? Une pente magnifique, unique, totalement hors piste bien sûr, en terrain glaciaire évidemment qui reste gravée dans la mémoire de quelques uns de nos stagiaires.
Pour mener à bien cette mission, il fallait la conjonction d’un certain nombre de facteurs : de la neige déjà, or cette denrée devient rare de ce côté-ci du système solaire, ensuite de la peuf 1 , car faire une trace dans de la neige dure…. à moins d’utiliser un motoculteur, ce n’est pas simple.
Mais tout ça ne suffit pas, il faut également que le télé des Grands fonctionne et qu’on puisse monter dedans…et c’est là que la mission se complique…
En effet, certains d’entre nous sont habitués, certains depuis plusieurs décennies, aux aléas bien compréhensibles de l’ouverture de ce téléphérique mythique (que nous envie le monde entier sauf peut être la Somalie et la Guinée orientale) : trop de vent, pas assez de neige, trop de crevasses, trop de neige, trop d’anglais, de suédois, trop de Yann (il se reconnaîtra) etc… mais c’était sans compter sur une invention nouvelle de la Compagnie du Mont Blanc qui exploite désormais ce domaine : la réservation de benne !
La réservation de benne, comment ça marche ? C’est très simple !
Vous patientez tranquillement en fond de vallée en attendant LE jour où les conditions seront tip-top, c’est à dire : grosse chute de neige quelques jours avant, pas de vent, bonne visibilité, les vacanciers ruinés par les tarifs des remontées mécaniques donc repartis chez eux, etc….
Le D Day vous vous levez de très bonne heure en comptant précisément les détonations caractéristiques des gazex qui annoncent la sécurisation du domaine donc une ouverture probable dans la matinée. Devant la gare de départ, dans la nuit encore noire vous croisez quelques habitués, comme vous, l’oeil pétillant et les chaussures de ski aux pieds, les crochets à toc, et l’ARVA qui clignote fébrilement sous le sous pull technique, c’est bon signe…
C’est ensuite que la course pour la « first track » commence, être le premier devant les caisses, sa carte bleue à la main (et pas n’importe quelle carte bleue, le forfait journée est à 46 euros tout de même !!), ensuite après avoir posé LA question du jour : « les Grands vont ouvrir ? » s’entendre répondre « On ne sait pas encore, probablement à la mi-journée » et là il faut de l’expérience et savoir décoder pour traduire cette phrase par ce qu’elle signifie vraiment « bien sûr, mais nous cassez pas les bonbons vous l’aurez votre peuf ! ».
C’est là que la nouveauté de l’année intervient : la résa 2 de bennes !
Très au courant du système de réservation, car cela fait plusieurs semaines que vous épluchez le site internet de la Compagnie du Mont Blanc, vous dites :
– Réservez moi la première benne, s’il vous plait
– Je ne peux pas, il me faut un horaire
– Disons 9h30
– Trop tôt car la sécurisation du domaine n’est pas terminée
– A quelle heure part la première benne alors ?
– On ne sait pas encore, il faudra revenir pus tard
– …bon ben 11 h. ?
– Combien de personnes ?
– 6 !
– Ah non, pas plus de 5 réservations à la fois
– …….
A cet instant, surtout ne pas vous énerver contre la caissière mais au contraire être conscient que :
– Elle est très certainement sous payée et on a du la prévenir la veille qu’il fallait qu’elle bosse ce matin
– Vu le prix du mètre carré dans la vallée, elle a sûrement fait 40 bornes pour venir au boulot ce matin, si elle ne loge pas comme beaucoup de saisonniers dans une camionnette posée sur cale sur le parking de l’Aiguille du Midi
– et surtout qu’elle va se faire insulter toute la matinée par une clientèle surchauffée, qui ne parle qu’anglais ou russe et qui n’admet pas qu’après des chutes d’un mètre de neige avec du vent à plus de 80 km/h le domaine n’ouvre pas dans sa totalité à 8h30 précise.
Ensuite, il ne vous reste plus qu’à faire la queue devant la porte du télé de Lognan pas encore ouvert, ensuite piétiner le pauvre bougre qui vient ouvrir cette satanée porte et courir jusqu’à la benne en poussant votre cri de guerre, en anglais si possible.
Mais ce n’est pas terminé, arrivé à la gare intermédiaire de Lognan, la course à la first track demande encore de la ruse et de la stratégie. Bien sûr, le télé des Grands Montets n’est pas encore ouvert (ne râlez pas, les pisteurs font un métier dangereux et difficile) mais déjà une queue s’est formé derrière les barrières. Vous êtes donc face à un choix cornélien, aller vous chauffer les cuisses sur Bochard 3 en attendant que les Grands ouvrent avec le risque de ne pas être dans la première benne ou bien aller vous coller aux barrières pour un temps indéterminé.
Mais avec votre longue expérience et un examen attentif des conditions, vous ne sentez pas l’ouverture avant 11h30 ou midi, vous choisissez donc Bochard. Sur cette piste, dans l’indifférence la plus totale les rouges de l’ESF d’Argentière sont en train d’installer un slalom géant, c’est un peu comme si à Hawaï le jour tant attendu où les rouleaux font 3 ou 4 mètres de haut, le club local décidait de fermer la plage pour organiser un concours de chateaux de sable, mais passons….
10 h. la première benne des Grands décolle et vous n’êtes pas dedans mais en train de finasser votre carving sur Bochard. Vite, vite il faut y aller !!!
Ceux qui avait fait le pari d’une benne à 10 h. exultent en brandissant leur réservation, vous, il vous reste la file normale (qui en raison des réservation avance 2 fois moins vite que d’habitude) en espérant que vous aurez le temps de faire le premier run 4 avant votre résa qui est à 11h !
10h30, la benne démarre (ça doit bien être la troisième..) et tout va bien vous êtes à l’intérieur. Autour de vous que des skis siliconés XXXXL, au point que vos derniers Super Free Ride Extrem Legend (empruntés en passant au shop 5 de Lognan qui est centre de test des dernières nouveautés, celles là même qui risquent très prochainement de plomber votre compte en banque) font pâle figure et ont l’air tellement étroits que vous êtes pris d’un doute.
Dans la benne, ça sent un peu la clope, car comme le cabinier a les boules de ne pas avoir pris son jour de congé aujourd’hui pour aller rider la face, 6 il grille clope sur clope à chaque redescente de la benne tant qu’il est seul à l’intérieur.
Tout le long de la montée, vous scrutez, à travers les vitres en plexiglass rayés par des générations de ski, l’état de virginité des pentes. Déjà 3 traces dans les pylônes, pas de panique c’est immense il y a encore de quoi faire.. Et la face ? Vierge ! Ouaouuuuh !!!
– Oui mais attends, si personne n’y est allé, c’est que ça craint sûrement…
– ……
– En plus, on ne voit pas trop où est la rimaye, et puis avec le vent qu’il a fait ces jours-ci…
Au bas de l’escalier, l’absence de traces et l’adage chinois « un bon skieur est un vieux skieur » vous incitent à délaisser la face et à prendre la direction inverse mais là dilemme : « Point de vue », « Glacier » ou « Pylônes » ? C’est un peu comme « crème brûlée », « profiteroles » ou « vacherin à la crème glacée », le choix est difficile…
Vous choisissez « Pylônes » car en montant il n’y avait que 2 traces, vous ne venez de vous faire doubler dans l’escalier que par une dizaine de casqués avec d’énormes planches à repasser en guise de ski, ça doit donc encore être jouable.
Arrivé en haut de la combe des Rachasses, vous n’en croyez pas vos yeux, elle est vierge de toutes traces.
– Mais tu ne crois pas que si personne n’est passé c’est parce que…
Sans écouter la fin de la phrase, vous poussez sur vos 2 bâtons et après les avoir tapé l’un contre l’autre ( le rituel !) vous attaquez à fond de gomme la première grande courbe dans 80 cm de poudre, vous êtes le roi du monde !!!
Mais il ne faut pas traîner car votre résa est à 11h. et déjà 2 skieurs viennent de tracer la Face…..
Pour en savoir plus sur :
– les tarifs : Site de la Compagnie du Mont Blanc
– les pisteurs des Grands Montets : http://www.pisteurs.com/
- si vous ne savez pas ce qu’est que la peuf il est temps que vous veniez skier avec nous ! ↩
- résa ça fait plus professionnel que réservation ↩
- restez calme, ce n’est que le non d’une piste ! ↩
- dire « première descente » ça fait vraiment plouc, par contre « first run » ça fait frimeur, c’est comme ça… ↩
- les anglais disent magasin.. ↩
- On ne vous traduit plus, il faut faire un effort… ↩
- 3×3 au Dolent - 17 mai 2024
- On a skié à Ibiza ! - 1 mai 2024
- Fin de semaine là-haut - 23 décembre 2023
