Cet article, il est pour toi. Oui, toi qui rêves de faire un jour un voyage à vélo, mais n’ose pas donner le premier coup de pédale. Tu rêves d’un voyage qui serait plutôt facile, car tu n’as pas forcément les mollets (et les produits) d’un Christopher Froome, un voyage pas trop long car tu n’as ni l’endurance (ni le temps libre) d’un Sylvain Tesson, un voyage pas trop compliqué pour l’itinéraire car au collège, la course d’orientation n’était pas ta matière préférée. Tu voudrais aussi du dépaysement, voir d’autres pays, entendre parler d’autres langues, découvrir de belles histoires et, pourquoi pas, bien manger.
Eh bien ne cherche plus, et commande de suite les deux petits livrets de la collection Bikeline intitulés Inn-Radweg. Ouh là là, tu n’as pas fait allemand première langue et tu as peur de ne rien y comprendre ! Rassure-toi, le texte est intéressant, mais c’est surtout les cartes qui sont précieuses. Tout ce dont tu as besoin pour rouler, manger, boire, dormir, visiter, réparer ton biclou, faire tes courses, etc. y figure sous forme de petits pictogrammes très intuitifs. Dans le même temps, pense à poser deux semaines de vacances (ça doit encore être possible, dans ce monde de brutes), de préférence en été car, comme tu vas le découvrir, c’est en montagne qu’on t’emmène !
Et l’Inn au fait, c’est quoi ? C’est une rivière majeure des Alpes qui a le bon goût de prendre sa source en Engadine au sud-est de la Suisse, de traverser le Tyrol autrichien et de finir tranquillement en Allemagne, dans la splendide ville bavaroise de Passau. Et une rivière, ça fait quoi une rivière ? Ça descend ! Et forcément, l’itinéraire qui suit cette rivière descend aussi et ça, en vélo, c’est plutôt pas mal. Bon, ne rêvons pas, même si sur les quelque 600 km du périple, tu vas dégringoler de presque 2000 mètres, tu ne feras pas que descendre. Des côtes, tu en grimperas aussi, des raides même parfois, mais elles ne sont jamais très longues, et la plupart du temps c’est plus le paysage qui te coupera le souffle que le fait d’appuyer sur les pédales.
Alors, ça commence à te tenter ? Oui je sais, tu te poses encore quelques questions comme « Où vais je dormir ? ». Là encore, la réponse se trouve dans le petit guide que tu viens de commander. Les régions que tu vas traverser sont tombées dans la marmite du tourisme depuis fort longtemps, et on sait y faire ! Saint-Moritz par exemple, à proximité de ton point de départ, est une des plus anciennes stations de ski du monde. Donc, pour les hébergements, tu as le plus grand choix que tu puisses imaginer, depuis le camping où l’accueil du radler – cycliste en allemand – est une tradition, jusqu’à l’hôtel 5 étoiles où tu devras laisser un rein pour payer la note. Point besoin de réserver à l’avance, il y aura toujours un petit coin d’herbe pour planter ta tente, souvent un abri pour déjeuner, une bonne douche chaude et la possibilité de boire une bière.
Mais si tu n’as pas l’intention de remplir tes sacoches avec une tente et un duvet, il existe bien d’autres solutions comme les gîtes ou les zimmer, qui sont des chambres chez l’habitant qu’on trouve presque partout, et bien sûr, les gasthof. Les auberges de jeunesse sont aussi des très bons plans, en Suisse notamment, et ça tombe bien, il en existe plusieurs sur le parcours (Saint-Moritz, Scuol) puis en Autriche, à Innsbruck. Pour un camping, prévois une dizaine d’euros par nuit, une trentaine pour une gasthof avec souvent des formules avantageuses en demi-pension ou seulement avec le petit déjeuner. Pour les hébergements en dur, prévois de réserver suffisamment longtemps à l’avance, surtout si tu voyages en groupe.
Puisqu’on parle argent, apprends que plus tu vas descendre le cours de l’Inn, moins tu vas dépenser, car la Suisse est devenue hors de prix, l’Autriche raisonnable et l’Allemagne paradoxalement bon marché. Encore une information qui t’évitera bien des déconvenues, la carte bancaire avec laquelle tu as pris l’habitude de tout payer n’est pas très bien vue par ici, car les commerçants acceptent difficilement de perdre jusqu’à 3% de leur marge avec ce système de paiement, il te faudra donc du bargeld – argent liquide – au fond de tes poches, mais rassure-toi, il y a des distributeurs dans la plupart des bourgs.
Il te faudra manger également. Là aussi, tu as le choix, même si le concept de petite épicerie n’existe pas vraiment, dans beaucoup de bourgs voire de villages tu trouveras un Spar, un Mpreis ou un Rewe où tu trouveras dès l’aube, petits pains tout chauds (semmel), fruits, charcuterie locale et tout ce dont tu as besoin.
Mais ce serait dommage de boucler ce périple sans s’arrêter de temps en temps dans les nombreux gasthaus (auberge) dont certains viendront même te narguer avec leur jolies pancartes sur le bord de ta piste cyclable. Si tu succombes à la tentation, ne te laisse pas impressionner par le luxe apparent de la façade et les magnifiques boiseries de la salle à manger, il est toujours possible de très bien manger pour une quinzaine d’euros – sauf en Suisse bien sûr, où là il faudra être beaucoup plus prudent.
Il y a également une autre tradition bien sympathique, surtout en Bavière : celle du biergarten, littéralement le jardin-bière, situé dans le jardin des restaurants, où même parfois en pleine nature. Il est possible d’y grignoter une wurst (saucisse) accompagnée d’une bière (très légère). Mais si la perspective de descendre un demi-litre de bière – car c’est la dose normale– avant de remonter sur ton vélo te fait peur, retiens le mot radler ; oui ça veut dire cycliste, mais ça désigne aussi un mélange bière-limonade, un panaché si tu veux, qui, comme son nom germanique l’indique, est parfait pour le cycliste qui n’a pas encore terminé son étape du jour.
Tu te demandes aussi où tu vas rouler, quel type de vélo il faut prendre. Sache que là-bas, le concept de « voie verte » comme on l’entend ici n’existe pas vraiment. Au lieu de cela, les choses se font plus naturellement : l’itinéraire emprunte des routes agricoles, le plus souvent goudronnées, des pistes de ski de fond en petit gravier, des chemins de halage lorsque l’Inn prend ses aises sur le final bavarois, et parfois des pistes réservées aux vélos et aux piétons. Sur l’ensemble de l’itinéraire, tu ne devras partager ta route avec le trafic de voitures que sur à peine quelques kilomètres mais sur ces courtes portions il faudra être extrêmement prudent, surtout si des enfants t’accompagnent. Donc point besoin d’investir dans un VTT tout suspendu, un VTT ou un VTC fera l’affaire.
Pour suivre l’itinéraire, là encore ne te prends pas la tête, mais apprends à reconnaître les petits panonceaux qui se trouvent à chaque intersection, et puis souviens-toi, tu as ton petit guide, et tu verras que les rares fois où tu te tromperas il y aura souvent quelqu’un pour te remettre spontanément sur le bon chemin.
Mais dans la vie il n’y a pas que le vélo, tu le sais bien alors si tu ne souhaites passer des journées entières rien qu’à pédaler dis toi qu’il y a de quoi faire le long de cet itinéraire. Dans la première moitié, tu pourras faire de magnifiques balades en montagne, approcher des glaciers, plus bas ce sont des piscines, parfois thermales qui te tendront les bras et puis presque à chaque détour du chemin tu te trouveras en face d’une église baroque, d’un château, d’une abbaye qu’il te dira peut être de visiter. Les villes d’Innsbruck et Passau méritent bien une journée de visite. Bref tu ne vas pas t’ennuyer !
Bien sûr, de temps en temps, tu apprécieras moins l’orage sournois qui va te tremper jusqu’aux os alors que quelques minutes avant tu t’émerveillais de ce magnifique pont couvert qui aurait fait un abris formidable, tu trouveras interminable cette ligne droite sur la digue de l’Inn quand elle se prend pour un fleuve qu’elle est peut être d’ailleurs, tu trouveras assourdissant le bruit de l’autoroute avant et après Innsbruck car la voie verte sur quelques kilomètres est obligée de la suivre mais, sache le, c’est aussi ça un voyage à vélo.
Mais il te faudra aller jusque là-bas et en revenir et avec ton vélo en plus. Ne panique pas, ici on aime encore le train ! Dans les trains suisses, voyager avec son vélo n’est pas un problème -même s’il t’en coûtera tout de même 18 Francs suisses par jour-. Pour le retour d’Allemagne c’est un peu plus compliqué car les vélos ne sont pas autorisés dans les trains ICE (trains à grande vitesse) et il faut une réservation pour le vélo dans certains trains régionaux. Prévois donc une bonne journée pour le retour vers la France, tu en profiteras pour visiter la campagne allemande avec de nombreux changements de trains. Mais rien de compliqué au final car les trains allemands sont en général à bonne hauteur pour monter et descendre les vélos facilement et les wagons à vélos sont nombreux.
Ah encore une dernière chose, quand tu arriveras à Passau, peut-être un peu fatigué mais avec des souvenirs plein la tête et des images plein les yeux, prends cinq minutes pour nous écrire une petite carte postale et nous raconter ton voyage.
NB: Pour se mettre un peu dans l’ambiance, un film à voir ou revoir : “Sils Maria”, d’Olivier Assayas avec Juliette Binoche et Kristen Stewart. Tu y apprendras, au passage, ce qu’est le “serpent de Maloja”…
Un grand merci à Marie, Patrick et toute l’équipe des KienchiSousLaPluie pour la relecture de cet article ainsi que les infos sur les trains et enfin les hébergements autre que camping.
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Une réponse
Merci pour cet article intéressant et bien détaillé qui va m’aider à préparer le voyage !