On y va … ou pas ? La question se pose ce matin, premier jour du raid qui doit nous emmener bourlinguer 4 jours skis aux pieds dans ce massif du Tödi qui pour l’instant nous est totalement inconnu. Pourquoi hésiter ? Tout simplement parce qu’il est tombé une couche de neige aussi conséquente qu’inattendue et que le soleil tape fort sur cette neige fraiche, pas étonnant nous sommes quand même à la mi-Mai !
Le minuscule télécabine du Fisetengrat va nous rendre possible la longue étape du jour en nous faisant gagner 700 m. de dénivelé, il en reste quand même 1300… Il semblerait que tout le canton de Glaris se soit donné le mot pour faire, comme nous, l’ascension du Gemsfairenstock qui se révèle bien plus simple que sa prononciation.
Au sommet du Gemsmachin, on n’est pas au bout de nos peines -et de nos joies !- car il faut encore descendre sur l’autre versant puis remonter pour trouver le col qui nous permettra de basculer sur le refuge, ça parait long et surtout il n’y a aucune trace. On y va … ou pas ? Alors que tous les helvètes redescendent par où ils sont montés, on cherche le petit col qui devrait nous permettre de basculer sur l’autre versant. L’excellente poudreuse du flanc nord excite les freeriders du groupe, bien vite calmés par la polenta triple A de la face sud. Impossible d’avancer même face à la pente, la couche atteint 80 cm par endroit, il fait une chaleur pas possible.
C’est en fin d’après midi, après une belle bambée d’une dizaine de bornes qu’on arrive enfin au refuge Fridolin (c’est vraiment le nom du refuge !)…en même temps que le gardien. De la terrasse du refuge, on a une vue partielle de l’étape de demain : l’ascension du Tödi, point culminant de la région. Le problème c’est qu’on ne voit vraiment pas où ça peut passer car la combe que l’on doit remonter est occupée par un glacier très mouvementé, alors à moins d’attendre le réchauffement climatique. Le gardien du refuge abandonnant ses fourneaux un instant finit par nous donner la solution : il faut passer au milieu des crevasses et des séracs. Ben voyons….
Lever prévu 4h, lever effectif 5h20, c’est comme ça quand on est 8 et que chacun pense que c’est l’autre qui a mis le réveil. De toutes façons, il n’a pas gelé, le ciel est couvert, un grain se prépare.
On y va … ou pas ? Maintenant qu’on est levé, on va aller voir… On met les peaux de phoques sous une pluie battante, certains parlent de retourner au refuge jouer aux cartes ce qui provoque chez Hughes un début d’oedeme de Quinck que nous décidons de traiter en prenant un peu d’altitude.
La pluie a cessé. De petites zones de ciel bleu apparaissent. Nous sommes seuls dans la montagne observés à notre insu par le gardien du refuge qui cherche à savoir si nous avons compris ses explications de la veille.
Une fois n’est pas coutume, on rentre littéralement dans le glacier en se faufilant entre les crevasses et les séracs, le cheminement dans ce labyrinthe ressemble à s’y méprendre aux jeux des gamins : en utilisant un crayon de papier aide la petite souris à retrouver son morceau de fromage ! Sauf que nous le morceau de fromage, il est dans le sac…
6 h. plus tard, contre toute attente on se retrouve au sommet du Tödi à plus de 3600 m. d’altitude, il n’est plus question de jouer aux cartes mais d’attaquer une descente dans une neige certes délicate mais dans un cadre somptueux et surtout sous un soleil éclatant non prévu par la météo locale.
L’étape du lendemain est une étape dite de traversée pour rejoindre le très éloigné et non gardé refuge Huffi à l’autre bout du massif. Une fois de plus on est totalement seuls sur l’ensemble de l’itinéraire et comme prévu le refuge est désert, ce qui se comprend un peu quand on voit où il est perché. C’est avec un plaisir non feint que les provisions portées jusqu’ici sont englouties avec gourmandise avec une mention particulière pour les boites de salade de fruits d’un kilo chacune. Le poêle à bois ronfle, certains affirmeront qu’il n’y a pas que lui…
Au petit matin, le ciel est plombé, le foehn s’est levé, aucun regel durant la nuit. On y va…ou pas. Pas vraiment le choix. Une autre grande traversée nous attend pour rejoindre le point de départ de ce raid. A mesure qu’on prend de l’altitude le foehn prend de la vigueur, au passage du col, comme on a le vent dans le dos, les peaux de phoques semblent totalement superflues, il suffit d’écarter les bras pour avancer. De l’autre côté du col, le vent soufflant aux alentours de 100 km/h, on se demande : 1. comment on va s’arrêter 2. comment on va faire pour enlever ces satanées peaux de phoques.
Une zone vaguement abritée nous permet de redevenir des skieurs de descente enfin pas pour longtemps car il est difficile de définir le sport qui va nous occuper durant l’heure qui va suivre. C’est un mélange de ski, de Kite Surf mais sans la voile, de gymnastique assez désordonnée, tout cela à cause de ce foehn toujours plus fort qui s’amuse tantôt à nous plaquer au sol, tantôt à nous faire tirer des bords involontaires sur une croupe pas bien large bordée d’abîmes peu fréquentables. Comme quoi il n’y a pas que sur les Brandon Hills que le vent souffle en tempête. Et pour couronner le tout le foehn a transformé la neige en une sorte de carrelage mal posé. Qu’est ce qu’on fout là ? C’est la question que semble poser un lièvre variable qui fait le trajet en sens inverse.
Plus bas, on retrouvera des conditions plus humaines et une neige presque agréable qui nous permettra de rejoindre le col du Klausen et de découvrir au pied de celui-ci une vallée verdoyante sous un grand soleil alors qu’elle semblait encore plongée dans l’hiver avec sa couche de poudreuse il y a seulement 4 jours.
Alors on rentre ou pas ?
Le topo du raid (C2C) : Tour du Tödi
Le parcours en 3D :
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