On avait pourtant tout fait pour lui faire plaisir le mois d’avant en lui permettant de tester deux magnifiques 4×4, mais non visiblement quelque chose ne collait pas.
Il avait passé la semaine à planter des petites aiguilles dans une poupée représentant la présentatrice de la météo de Canal+ pour que le déluge du siècle s’abatte sur la vallée, mais à la place de cela, toutes les prévisions annonçaient un soleil radieux et une douceur incroyable pour ce début d’Octobre.
Pendant le repas qui précédait la randonnée, il s’était discrètement absenté pour mettre en route l’arroseur du jardin qu’il avait judicieusement orienté vers la fenêtre de la salle à manger où nous nous trouvions. Il était réapparu trempé des pieds à la tête en lançant un « vous avez vu ce qui tombe ? Et en plus ça caille »
Une fois tout le monde endormi il avait soigneusement retardé toutes les horloges de la maison d’une bonne demi heure et avait tenté de saboter mon vélo.
Le lendemain au petit déjeuner, il nous a raconté pour la énième fois la légende de la Dame Blanche du Rosemont qui aurait dit, juste avant d’être massacrée par les Suédois, qu’en 2010, le jour de la Transterritoire, la malédiction s’abattrait sur la vallée, que la Ballon d’Alsace s’écroulerait d’un coup et que les débris projetés jusqu’au Malsaucy provoqueraient un tsunami balayant tous les vététistes au départ de la Trans.
A cause des pendules retardées, on est, bien sûr, arrivés une demi heure après le départ officiel. « Ils nous laisseront jamais partir sur le 80 km à cette heure ci » avait il dit. C’est à ce moment qu’on a remarqué qu’il avait monté, sur son VTT, des patins de frein qui d’habitude équipent les tricycles Fischer-Price, ça aurait dû nous alerter…
Durant les 30 premiers kilomètres, tout semblait se passer normalement, le parcours était superbe, la météo digne d’une fin d’été, le Ballon d’Alsace bien en place et la surface du Malsaucy d’un calme absolu et même si on se faisait doubler par des vététistes dans des déguisements des plus délirants, aucune trace de la Dame Blanche.
C’est un peu avant l’endroit où le parcours du 80 km se séparait enfin des autres parcours beaucoup moins longs qu’il s’est mis à accélérer comme si on lui avait subitement fait une transfusion sanguine d’un coureur du Tour de France. Il a fallu qu’on crie aussi fort que des supporters d FC Sochaux pour qu’il ne loupe pas l’embranchement avec le 80 km.
« Vous allez voir la côte de Belfahy, c’est une folie » répétait-il sans cesse, « il y a même des passages où il faut s’encorder » et puis « regardez le ciel il est bizarre ». C’est à ce moment là que le téléphone a sonné, c’était Brigitte avec le groupe des gamins qui venait de crever 1km après le départ « c’est étrange on dirait que mon vélo a été saboté pendant la nuit.. »
Au ravito de Belfahy, en examinant la carte l’un d’entre nous a dit joyeusement « super, maintenant c’est quasiment que de la descente jusqu’à Belfort ! ». A ces mots, il s’est levé et semblant très nerveux est allé bricoler quelque chose sur son vélo, il nous a semblé entendre des coups de marteaux mais personne ne pourrait le jurer. Ensuite on a pris le chemin de la descente.
Dix minutes plus tard, il roulait devant moi (j’aime mieux..) et à la sortie d’un virage je l’ai vu étendu au milieu des brimbelles, le vélo en porte feuille…et lui aussi.
– Ca va ?
– Oui allez y je vous rejoins
Une heure après, il ne nous avait toujours pas rejoins quand au milieu de nulle part le téléphone de Marie a sonné. « La vache ! Elle a un téléphone satellitaire et elle ne nous l’a jamais dit ! » C’était lui.
– J’ai voilé ma roue
– Beaucoup ?
– Complétement
– Alors qu’est ce que tu fais
– Le voile intégral est interdit durant la Transterritoire, je suis obligé d’abandonner
Il nous a semblé entendre un « Yes !!! » dans le combiné avant qu’il ne raccroche mais personne n’en est vraiment sûr.
Le reste de la rando s’est déroulé sans encombre et bien sûr c’est au soleil couchant que nous avons fait notre entrée dans Belfort alors que tout était presque démonté.
Arrivé chez lui, il nous lança un..
– Alors, vous voilà seulement, vous devez être cuits ?
– Ca se voit tant que ça ? Montre voir ta roue.
– Laissez tomber, venez plutôt manger….
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