Les spécialistes vous le diront : la bulgare c’est de la bonne ! Il s’agit de le neige bien évidemment.
Certes il faut aller la chercher et par ce petit matin froid de février quand on quitte de bonne heure la -superbe-auberge de jeunesse de Brežice située à jet de pierre de la frontière slovéno-croate et que le GPS nous annonce encore plus de 1 000 km jusqu’à destination il faut se remotiver…
D’autant que 1 000 bornes de route c’est long mais 1 000 bornes de route enneigée c’est… encore plus long. Alors dans le minibus la vie s’organise un peu comme dans un avion ou un sous marin.
Devant, au poste de pilotage on cherche à rester le plus possible sur la route, déjouer les pièges, slalomer entre les chasse neige, les poids lourds en porte feuille, les voitures dans le fossé. Au deuxième rang, les navigateurs s’affairent à la table à carte pour estimer la distance jusqu’à la prochaine frontière, l’altitude du prochain col, calculer le cours du dinar serbe, de la leva bulgare ou bien de la kuna croate. Le « radio » tente également de communiquer avec le 4×4 nimois qui nous sert de véhicule d’assistance quand il ne se fait pas rançonner par un policier serbe. De la dernière rangée du bus, proviennent tour à tour des éclats de rire, des cris, des coups de feu, des explosions c’est selon le film qui est en train de se jouer, le tout entrecoupé de temps en temps par un « c’est quand qu’on mange ! ».
Au fait oui, c’est vrai ça : « c’est quand qu’on mange ? ». Et bien dès qu’on trouvera un parking où il y a moins d’un mètre de neige et dans lequel on peut entrer en ayant une chance de ressortir avant le printemps …
Et puis au début de la nuit, au milieu d’un paysage qui ressemble de plus en plus à ce qu’on imagine être un paysage de Noël dans ses rêves les plus fous, on entre dans Bansko, le chamonix bulgare. Il y a un bon mètre de neige dans les rues, il neige encore et il fait un froid de canard. Notre point de chute est une petite pension de famille où on nous accueille malgré l’heure tardive par un succulent souper traditionnel.
Le lendemain stupéfaction, c’est « grand beau » et comme on devait s’y attendre, Bansko est dominé par une superbe chaîne de montagnes qui croule sous des tonnes de neige et qui n’attend que nos spatules. Malheureusement, c’est aussi le début des vacances en Grande Bretagne et depuis une dizaine d’années Bansko est devenue une des destinations préférées des anglais ( the cheapest resort in the world peut on lire dans certaines revues british) qui souhaitent que leur semaine de ski leur coûte la moitié de ce qu’elle leur coûterait dans nos stations de Tarentaise. On ne peut les en blâmer mais du coup la file d’attente devant l’unique télécabine qui permet d’accéder à la partie haute du domaine rappelle douloureusement celles des années 80 au pied de la Grande Motte à Tignes.
Au bout de quelques instants de découragement on décide de rejoindre entassés comme des sardines dans le 4×4 de Claude la station intermédiaire par une route minuscule à peine déneigée, pas très bon pour notre bilan carbone tout ça mais tellement mieux pour notre bilan ski de la journée.
C’est ici qu’on fait connaissance avec le domaine skiable qui n’a rien à envier à beaucoup de nos stations alpines, c’est certes moins étendu que bien des stations mais les pistes sont vraiment très sympa et les possibilités hors piste s’annoncent alléchantes. La neige est une poudreuse très sèche et très froide comme on n’en skie que trop rarement.
Le lendemain nous avons rendez-vous avec Gorgi, un des rares guides de haute montagne bulgare. Il passe tout l’hiver à Bansko et il va nous faire découvrir à un rythme d’enfer les plus belles descentes hors piste des environs. Le ski en forêt est d’une qualité rare, les pentes sont très raides, la neige tip-top. On croise quelques locaux en ski ou en snow mais c’est plutôt calme.
On profitera encore deux jours de Bansko avec tantôt le soleil, tantôt la neige et le blizzard mais avec toujours la sensation de faire un ski d’une qualité vraiment exceptionnelle dans une nature superbe composée essentiellement d’une forêt de pins, des arbres très grands multi-centenaires parait-il où le ski est un vrai bonheur.
Le dépaysement vient aussi du front de neige dans la station où on sent que le moyen orient n’est pas très loin. C’est une suite continue d’ échoppes, d’écoles de ski improvisées, de bars, de gargotes voire de stands de tir à la carabine, de boites de nuit à l’ambiance apparemment très chaude et même un ou deux sex shop au cas où…
Comme la coupe du monde se prépare pour la fin de semaine, la décision est prise de quitter Bansko avant que ça devienne invivable d’autant qu’on assiste à un spectacle surréaliste : la piste où doit avoir lieu la worldcup ce dimanche est sans cesse labourée par des dameuses et des tonnes d’eau sont déversées dans les sillons ainsi créés pour que la neige, si bonne au départ, devienne aussi dégueulasse que celle du ski dôme d’Amnéville. « Parfois je me demande si le progrès n’a pas tort » comme dirait le célèbre philosophe Helmut Fritz.
Déménager c’est parfois casse pieds, là se fut casse-bras, enfin pour Brigitte seulement, qui exécuta, devant nous, un triple lutz avec brio mais malheureusement terminé par une réception risquée sous le mini bus. 5.9 5.9 5.9 5.7 5.9, c’est encore le juge anglais qui a été sévère sur le jugement de cette figure.
N’ayant, pour une fois, aucun représentant du corps médical dans notre équipe, si ce n’est un dentiste émérite mais un détartrage ne semblait pas être le traitement le plus adapté, il fut décidé de relier le monastère de Rila. Silence, méditation et eau bénite ne peuvent qu’améliorer l’état du patient qui souffre. En outre le Picsou Magazine Géant des gamins associé à quelques lanières de sac à dos s’avéra être une attelle tout à fait honorable.
L’arrivée nocturne et sous la neige au monastère restera dans les mémoires. Nous sommes devant l’imposante porte du monastère, sans doute, le plus connu et le plus visité de tous les Balkans, des millions de touristes et de pèlerins se pressent chaque année à Rila.
Ce soir, nous sommes seuls, l’endroit est désert. Le gardien nous fait entrer par une sorte de chatière (une popière ?) car il est tard et la grande porte doit rester fermée. Il nous conduit jusqu’à un pope qui nous donne les clés de nos chambres, et nous prévient qu’on ne peut plus sortir du monastère avant l’aube. A cet instant on s’attend à voir arriver Sean Connery en robe de bure…mais non c’est Jean Paul qui prépare ses skis de rando pour le lendemain
On a quand même eu la décence de ne pas chausser à l’intérieur du monastère (encore que, rien dans les saintes écritures ne précise s’il est permis ou non de skier à l’intérieur d’un monastère orthodoxe) mais juste devant la porte. Après un cheminement arboricole un peu compliqué on débouche au delà de la forêt où on peut admirer le monastère en contrebas et mesurer son isolement dans cette vallée perdu. Mais comme le vent et la neige sont en train de nous préparer de belles plaques et que comme dit Jean Paul « le monastère on le voyait aussi bien d’en bas » on se choisit une ligne dans la forêt pour rejoindre la vallée.
En bas de cette descente surprenamment en bonne neige, je vais vivre une de mes pires expérience de skieur, que je ne souhaite pas à mon pire ennemi si tant est que j’eusse un pire ennemi. Alors que je tente de rejoindre la petite route qui doit nous ramener au monastère au niveau d’une petite maison isolée, un peu délabrée mais apparemment habitée, je rate un virage et vais m’écraser la tête la première contre le mur arrière de la dite masure. Point de bobo, juste une légère vexation à faire un retour à la civilisation aussi misérable.
Après m’être relevé, je m’éloigne de la maison et constate alors une odeur très désagréable. Je me déplace d’une cinquantaine de mètres mais l’odeur est toujours aussi tenace. A Claude qui m’a rejoint, je demande inquiet « j’ai rien dans le dos ? » Il me répond avec un haut le cœur « Si, de la m…e ». Info à caractère socio-anthropologique : Le tout à l’égout n’est pas encore arrivé jusqu’en haut de la vallée de Rila, faites gaffe à l’arrière des maisons… Difficile de décrire la stupéfaction du garde du monastère qui me surprendra une heure plus tard en train de me laver tout habillé dans les toilettes, c’est ainsi que naissent les préjugés entre les peuples : pour le bulgare de la rue, le français n’enlève pas ses gants de ski pour se laver les mains….
Les jours suivants se dérouleront dans l’autre grand spot de ski de Bulgarie : Borovetz. Là encore nous sommes bluffés par la qualité du domaine skiable et sur la longueur et la forte pente de la plupart des pistes, la file d’attente en bas de la station n’est pas mal non plus, mais je ne sais pourquoi le vide se fait assez rapidement autour de moi…
Côté logement, on squatte dans des cabanes en rondins tout confort quoique un tantinet surchauffées, paumées au milieu d’une forêt de sapin magnifique. Il y a toujours autant de neige et ça devait arriver on (je !) plante le minibus à devant le chalet…
Mais au fait, si on est là c’est aussi pour tenter notre 15ème point culminant le Musala. Un coup d’oeil à la carte nous apprend assez vite que si on veut aller au sommet « by fair means », c’est à dire sans tricher en s’avançant avec les remontées de Borovetz, c’est une longue bambée qui nous attend : 10 bornes rien que pour l’aller avec 1600~m. de dénivelé positif.
5 heures du mat’ j’ai des frissons,
Je claque des dents et je monte le son,…
Effectivement on claque plutôt des dents ce matin mais quelques heures plus tard – il en faudra plus de 5 pur atteindre le sommet – le soleil nous réchauffe..
Et à ce moment là, qu’est-ce que vous avez fait?
Et ben, on est arrivé au sommet..Un sommet très bizarre puisqu’il y a une station météo d’un côté et un centre de recherche (?) de l’autre, par contre une vue circulaire magnifique sur une grande partie des Balkans. Et de 15 !
Le dernier jour sera également un « good day » puisque on dénichera presque par hasard un itinéraire de toute beauté sur plus de 1 000 m. de dénivelé avec pas une trace et une poudre à point.
Bulgarie, bulgarie, si tu n’étais pas si loin…
Topo de la rando au dessus du monastère de Rila
Topo du Musala
(Bons) Plans logement :Borovets (Malina Villas)
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