Durant cette semaine à Clavière (Italie) consacrée au freeride, arrivés au 4ème jour on avait l’impression d’avoir fait un peu tout ce qu’il était possible de faire en restant raisonnable. Il était tombé une bonne vingtaine de centimètres de neige (avec du vent comme toujours désormais), on l’avait bien tracé jusque dans les moindres recoins et la question se posait : que fait-on demain ?
Et si on sortait les peaux ? Pourquoi pas, mais le BERA n’est pas bien encourageant : un bon risque 3 sur tout le secteur nord, des vents tempétueux annoncés et un réchauffement prévu en cours de journée. En plus de cela, en versant sud, il n’y a quasiment plus de neige en dessous de 2000 m. Pas simple…
C’est là que les outils « modernes » nous aident vraiment bien. La carte des pentes tout d’abord. On le sait, les avalanches ont lieu principalement dans des pentes comprises entre 30° et 45° et même s’il existe différentes méthodes pour évaluer la raideur d’une pente, rien ne vaut la fameuse carte des pentes qu’on peut trouver depuis 2016 sur un grand nombre de sites web ou d’applications, de Géoportail à Iphigénie en passant par Fatmap, AlpineQuest, Outdooractive, etc…
La carte des pentes ci-dessus nous permet d’imaginer un itinéraire (trait bleu foncé) qui nous emmène du haut du télésiège du Rocher de l’Aigle (ben oui, on est en mode freerando avec un forfait 6 jours dans la poche…) jusqu’à la Cîme Fourrier, puis au Lago Nero et retour par la Cîme Saurel en évitant au maximum les pentes à plus de 30° et plus (couleurs jaune et orange).
On remarque quand même qu’au départ de l’itinéraire ça va être difficile d’éviter le 30°, de même pour atteindre la Cime Fourrier à moins de rester le long de l’arête frontière.
Pour affiner le travail, on peut voir ce que donne Yeti, l’application accessible depuis le site Camp To Camp et qui est un outil d’aide à la décision à 3 niveaux, en fonction du degré d’expertise du leader de la sortie.
Soyons modeste et regardons voir ce que ça donne en mode « débutant » où c’est uniquement le niveau de risque du BERA qui dicte les pentes où on peut mettre ses spatules. Dans notre cas, par risque 3, on devra renoncer aux pentes supérieures à 30°, y compris les pentes qui nous dominent. Dans ce cas on voit clairement que la première combe au début de l’itinéraire nous est interdite, ainsi que les dernières pentes sous le sommet de la Cime Fournier
Mais on n’est plus débutant depuis longtemps 😉 alors osons passer au mode supérieur dit « Elémentaire ». Dans ce cas, le logiciel nous demande d’indiquer un renseignement supplémentaire : les orientations les plus dangereuses. Il suffit de copier l’info depuis le BERA, ce jour là tout le secteur Nord de l’Ouest à l’Est. Dans ce cas on voit clairement que la zone critique sera le tout début de l’itinéraire en haut de la combe du Grand Charvia. Le sommet de la Cime Fournier, quant à elle, pourra s’atteindre en toute sécurité par l’arête qui fait frontière.
Allez soyons fou et regardons ce que cela donne en mode « Expert ». Là il faut s’engager un peu plus et tenter de qualifier finement le degré de danger, est ce un « petit » 3 ou un 3 « vraiment craignos » comme un risque 3 un lendemain de risque 4 par exemple, ce qui n’était pas le cas ce jour là. Par contre vu les vents annoncés et le réchauffement prévu on peut quand même majorer un peu ce « 3 ». Ensuite, il faut entrer des informations sur le groupe (nombre de participants) et la façon dont il évolue (avec ou sans distances). Nous serons 7 (donc un grand groupe) mais si on arrive à se faire écouter on devrait pouvoir imposer à tout le monde de prendre des distances quand c’est nécessaire. Reste la case « neige mouillée », on coche ou pas ? D’après la météo, le réchauffement ne devrait arriver que dans l’après midi, donc ne cochons pas au moins pour la première partie de la rando. Dans ce cas, on voit que notre itinéraire (en jaune) est safe… à condition de prendre des distances.
Par acquis de conscience, on peut cocher la case « neige mouillée » pour voir ce que ça donne. Dans ce cas on voit que la première pente est franchement craignos mais comme on devrait y être vers 10h grand max, ça devrait aller. Pour le reste de l’itinéraire pas de soucis (à condition de rester sur l’itinéraire en jaune) même si la neige s’humidifie.
Le mode « expert » avec la case « neige mouillée » cochée.
Et alors au final, ça a donné quoi ?
Le vent nous a cueilli dès le sommet du télésiège du Rocher de l’Aigle. On n’a donc pas trainé pour rejoindre le petit collu et zieuter la première pente qui d’après notre préparation était la pente la plus délicate. Nous l’avions déjà skiée la veille, il suffisait donc de regarder comment le vent avait « travaillé » nos traces. Descente prudente un par un, dans une neige qui s’avère excellente.
Pour la suite de la combe, aucun soucis car la pente s’adoucit nettement. On s’autorise à skier tous ensemble afin de ne pas trop rallonger l’horaire.
Pour la suite, il suffit de suivre le ruisseau, la pente est très faible et arrivés en dessous de 2100, plein sud, comme il fallait s’y attendre la neige se faisait désirer. Au moins pas de risque d’avalanches…
Ensuite il faut remonter les pentes douces vers la Cime Fournier. Comme prévu, mode « détendu », les pentes n’atteignent jamais les 30° sauf sur les 100 derniers mètres mais on est en face sud et le vent fort a gardé la neige très compacte, aucun risque.
La météo prévoyait du vent violent, il le fut ! Sans doute plus de 80 km/h au sommet, c’est à plat ventre qu’on a ôté les peaux !
On bascule rapidement côté italien, en face Nord-Nord Ouest, les premiers mètres sont très chargés et une belle plaque repose sur une neige sans cohésion, on passe en mode « alerté », l’un de nous fera d’ailleurs glisser un petit bloc. Mais la suite est un vrai plaisir, une neige récente très légèrement humidifiée posée sur des pentes à moins de 30° au milieu des mélèzes : du beau ski bien agréable !
Ensuite on remet les peaux pour rejoindre par des pentes douces le col Saurel d’où on redescend sur Clavière avec le soir naissant dans une neige encore bien poudreuse.
Au final, une bien belle journée (9 heures de ski quand même !), entièrement seuls, dans un environnement splendide, de la neige au top et surtout sans se faire de cheveux blancs !
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