Arriver à Spiez, c’est facile car ça a beau être au milieu des montagnes suisses ce n’est pas bien loin de chez nous. Y garer un camion de plus de 2 mètres de haut pour y dormir plus d’une demi-heure, c’est moins évident.
Mais finalement, après une courte nuit, le train nous amène en haute montagne en nous laissant admirer la face nord de l’Eiger depuis le tunnel dont les fenêtres donnent au milieu de la paroi, car ici même les tunnels ont de fenêtres.
Au sortir du train, on chausse. La montée au Truc’berg (on est en Suisse allemande) est belle, très belle. La descente du Trugberg (c’est son nom) est mauvaise, très mauvaise : la neige n’est ni dure ni molle, ni stable ni instable : je n’ai rien compris, mais je n’ai pas aimé.
Pour aller jusqu’à Konkordiaplatz, il faut pousser sur les bâtons, le sac est lourd et il fait chaud.
- Dis pourquoi le refuge de Konkordia est perché à 200 mètres au dessus du glacier et qu’il faut monter plusieurs centaines de marches pour l’atteindre ?
- Parce que le glacier a fondu depuis sa construction, c’est une des conséquences du réchauffement climatique…
Que notre futur pressenti Ministre de l’Innovation(sic !) veuille bien nous pardonner de croire encore à de telles inepties que le « réchauffement climatique » surtout quand on sait qu’elles sont véhiculées par des écolos barbus ultra-gauchisants.
On monte donc les marches. La bière nous attend sur la terrasse. C’est un refuge de luxe avec même de la musique dans les toilettes. Avant, dans les refuges quand on allait aux toilettes on entendait le vent siffler sur les rocs, maintenant on entend les orchestres de rock se faire siffler par le public.
Le lendemain, petit déjeuner à 4h30. Ensuite, pas de chance pour Jean-Paul qui, beaucoup trop rapide, a déjà son baudrier et ses chaussures quand une tempête de neige courte mais violente nous incite à nous recoucher jusqu’à 7h. Pour survivre, le skieur-alpiniste doit savoir s’adapter.
Donc on change de programme. Mais il faut retrouver Daniel et Bruno qui arrivent avec 24 heures de retard car eux ont un vrai métier et avec qui on a un rendez-vous improbable au milieu de nulle part ou plutôt au milieu du plus grand glacier d’Europe.
Bien sûr, le GPS de Daniel est en panne, il n’y a pas de réseau téléphonique et par moment, le brouillard est à couper au couteau. Mais ça ne fait rien, Daniel a une carte au 100 000ème (bien sûr, ça n’est pas très précis, mais au moins, il a presque la moitié de la Suisse sur sa carte et ça c’est utile pour les changements de programme).
- Dis pourquoi on ne reconnait pas la silhouette de Bruno à 1 km malgré ses knickers très caractéristiques
- Parce qu’il a un paquet de neige de 10 cm de haut qui botte sous son ski gauche et rien sous son ski droit (même pas de peau puisqu’elle ne colle plus).
Mais ça ne l’empêche pas de monter comme un avion pendant que moi, j’avance à 2 à l’heure.
Une fois réuni le club des cinq, en route pour le Klein Grünhorn. Klein, ça veut dire petit, mais c’est tout de même raide et la perspective d’une descente aussi pénible que la veille avec le brouillard en prime me fait arrêter avant le sommet.
Ceux qui sont allés en haut n’ont sans doute rien vu ; en tout cas ils n’ont pas osé nous dire que c’était beau.
Comme prévu, la descente sur Konkordia est mauvaise, très mauvaise.
- Dis pourquoi on ne construirait pas un igloo en bas : ça ne serait guère plus long que de monter toutes ces marches
- Parce que, dans l’igloo, il n’y aura pas de bière !
Là je m’incline devant cette évidence qui m’avait échappée. On remonte donc les marches, ça devient aussi banal que de monter celles du festival de Cannes.
Arrivés au refuge, la météo incertaine des prochains jours, l’absence de places dans certains refuges (on ne parle pas assez des problèmes de logement en Haute Montagne ! ) , des provisions à écouler, du gaz à porter, etc, on réaménage le programme. Le skieur alpiniste s’adapte sans cesse.
Donc le lendemain, on descend quelques kilomètres de l’immense glacier d’Aletsch où quelques virages sont possibles, puis neige croutée de chez croutée avant de remonter au Mittelaletschbiwak par un vallon un peu chaotique.
- Dis, c’est quoi, sur la neige, tous ces points noirs qui sautent ?
- Des puces !
Le pire, c’est que c’est vrai et qu’on voit ça sur des hectares de glacier. On a compté : 15 bestioles sur un carré de 10 cm sur 10 cm, cette densité reproduite à perte de vue ce qui fait quelques milliards de puces sur le petit glacier où on se trouve !
- Ah mais c’est pour ça alors que le refuge Konkordia est en hauteur, pour que les puces n’atteignent pas les couvertures !
- Oui, mais ça n’explique pas la musique dans les toilettes…
- ……..
Il s’agirait vraisemblablement de la Collembole nivicole mais qui normalement ne se manifeste sur les glaciers qu’à la fin de l’été. Alors, serait ce du au réchauffement qu’on les voit aussi tôt dans la saison ?
Nous renouvelons à nouveau nos excuses à Monsieur le futur Ministre de l’Innovation pour ces dérives indignes d’esprits réputés un tant soit peu scientifiques, je parierai même qu’en creusant un peu ils sont contre les OGM…
Nous arrivons à notre refuge du jour : le Mittelaletschbiwak, le « bivouac du milieu d’Aletsch » pour ceux qui n’ont pas fait Allemand première langue.
C’est un joli petit refuge non gardé à partager avec 4 Italiens mais c’est dommage personne d’entre nous n’a fait Italien première langue… Il faut faire fondre beaucoup de neige pour avoir un peu d’eau, c’est la dure loi de la physique.
Pendant que certains font la sieste, Thierry et Daniel vont repérer la trace jusqu’au col pour le lendemain vers l’Aletschhorn, car à près de 4200 m. ce sommet n’a rien d’une petite balade.
Mais le lendemain on n’ira même pas jusque là, car même à 4 heures du matin à 3000m, il fait trop chaud, la neige est pourrie. Et la descente est aussi pénible que prévu jusqu’à la traversée magnifique du glacier.
Puis il faut remonter au milieu des coulées d’avalanches de la veille pour rejoindre le sommet des pistes d’une station fermée mais bien enneigée.
Puis nous enchaînons téléphériques et trains pour rejoindre les camions.
- Dis pourquoi Jean-Paul n’a même pas le temps de nous offrir une bière entre deux téléphériques ou deux trains
- Parce qu’on est en Suisse et que les correspondances sont trop bien étudiées !
- Ah mais c’est bien ça, de développer le transport par trains, ça permet de lutter contre le réchauffement climatique
Un peu d’indulgence Monsieur le Ministre, ils ne savent pas ce qu’ils disent…
Heureusement, les camions n’ont pas d’horaire imposé et sur la terrasse du buffet de la gare on se remet d’un raid où heureusement on a passé plus de temps à admirer le paysage à la montée qu’à maudire la neige à la descente.
- Dis pourquoi la neige était aussi pourrie, alors qu’on a eu de la bonne neige pendant presque toute la saison ?
- Parce que Daniel a une nouvelle veste !
- Ah j’ai eu peur que ce soit
à cause du réchauffement climatique1
Pour avoir des infos un peu plus sérieuses sur le programme réalisé :
- Trugberg : Face S
- Klein Grunhorn depuis Konkordia Hütte
- Aletschhorn depuis la cabane Mittelaletschbiwak
Portfolio
- Texte supprimé par le comité de censure éditorial de l’association OXYGENE ↩
- Une échappée à la Transterritoire 2014 - 6 octobre 2014
- Le VTT est il soluble dans le vin ? - 15 octobre 2012
- Gastro Freeride Camp in Montgenèvre - 18 février 2010