Non ! Le Dammastock n’est pas un magasin discount de la capitale syrienne, mais le point culminant des alpes uranaises en plein milieu d’un énooooorme glacier qui donne naissance au Rhône.
Notre objectif était de faire l’ascension à ski de ce sommet mais également d’en profiter pour faire sans doute un des plus beaux raid à skis de la région qu’on peut appeler le « Tour du Dammastock » : 5 étapes de refuge en refuge, près de 7 000 m. de dénivelé, une bonne soixantaine de kilomètres de ski sans remontées mécaniques, bref un (gros) truc de fin saison !
Après une nuit de squat « nature » au bord de l’impétueux torrent Alper Reuss, il est temps d’essayer de tout faire rentrer dans les sacs : baudrier, cordes, crampons, à manger pour 5 jours…et surtout ne rien oublier !
En remontant le sauvage vallon de Voralp on se félicite d’être parti de bonne heure :
– Brrr, je n’aimerais pas passer là dans l’après midi….
– Oui, un vrai coupe gorge avec tous ces couloirs d’avalanche !
On atteint la Voralphütt peu avant midi au moment où le soleil commence à chauffer sérieusement quand soudain :
– Mer…, j’ai oublié tout le pain dans le camion !
– Il n’y a plus qu’à redescendre…..
Et c’est comme ça que l’après midi « bronzette au refuge » se transforme en une bavante aller retour dans une neige « pourrite » à souhait pour jouer au boulanger au milieu des coulées d’avalanche. Ca commence fort !
Nous sommes seuls au refuge, il n’est pas gardé mais comme nous sommes sur une autre planète, c’est à dire en Suisse, c’est le grand luxe : boissons à volonté avec la petite tirelire pour payer son dû, poêle à bois pour cuisiner, eau courante, toilettes avec « vue »,…
Difficile de quitter un endroit aussi agréable mais aujourd’hui nous devons relier la Tierbergli Hütte en traversant le Sustenhorn, une étape sans grande difficulté si ce n’est le dénivelé déjà conséquent. Mais arrivé en vue du Sustenhorn, la qualité de neige ne semble pas au rendez-vous alors que de l’autre côté le Gwächtenhorn nous tend les bras avec la promesse d’une descente exceptionnelle sur sa face Nord, alors pas d’hésitations…
Malheureusement, la « face » ne tiendra pas ses promesses et c’est une neige assez délicate qui nous attend mais largement compensée par l’ambiance « glaciaire » avec séracs, crevasses et toute la panoplie.
La nuit à Tierbergli est agité par le vent, le foehn s’est levé et il est encore bien présent quand à 6 h. du mat nous chaussons les skis pour ce qui doit normalement être l’étape la plus difficile de notre périple.
En effet, il y a de tout au programme de la journée : un long couloir de 1 000 m. de dénivelé dans l’ombre donc « bon dur » et comme si ça ne suffisait pas le tiers inférieur est régulièrement ravagé par les avalanches et les chutes de séracs, on a donc l’impression de skier dans un pierrier recouvert de glace. On enchaîne ensuite par la remontée d’un couloir, au soleil cette fois, donc bien mou ce qui nous donne accès à une grande pente lieu de rendez-vous d’avalanches également, il ne faut donc pas trainer…
Le soleil et la chaleur de l’après-midi nous attend pour la pente finale, et dire qu’à cette heure ci le lac de Lucerne tout proche doit être pleins de bateaux et peut être même de baigneurs ! Mais aussi inattendue que ça paraisse, la descente « plein gaz » vers le refuge est un vrai bonheur sur une neige quasi parfaite. Bon d’accord, il reste encore à s’encorder pour traverser le glacier où les crevasses nous tendent les bras, remettre les peaux et grimper jusqu’au refuge pour enfin faire la connaissance de Renate, gardienne de la Trifthütte, et savourer ses bières avant de s’écrouler pour une sieste bien méritée après ces 9 heures ski aux pieds, ouf….
Le lendemain c’est encore à une heure pas possible qu’on chausse les skis car c’est de nouveau une « grosse » étape qui nous attend, plus de 20 bornes skis au pied ! Nous allons enfin gravir celui autour duquel nous tournons durant ces 5 jours : le Dammastock, à plus de 3600 m. d’altitude. Les 1 000 m. dé dénivelé sont vite avalés et c’est quasiment seuls dans une des plus grandes étendues glaciaires d’Europe qui doit faire dans les 30 kms2qu’on entame notre descente en pente douce de plus de 10 km qui doit nous emmener tout au bout du glacier à la source du Rhone.
Mais là, la journée n’est pas finie, loin de là, on doit rejoindre notre prochain refuge qui est en fait un hôtel au bord de la route mais la route est …..fermée encore pour quelques semaines, c’est donc à ski, d’abord en montée puis enfin en descente qu’on arrive à l’Hôtel Tiefenbach presque en même temps que l’orage.
Ce matin, le beau temps semble nous avoir abandonné, les sommets sont noyés dans un épais brouillard, il fait gris mais c’est motivés que, dès l’aube, on attaque notre dernière ascension qui doit nous amener au sommet du Lochberg. Après ces quelques jours de quasi solitude ça fait drôle de voir autant de monde, c’est vrai que c’est le lundi de Pentecôte est que les conditions sont excellentes donc tous les locaux sont de sortie.
Arrivés au pied de l’arête trop escarpée pour être grimpée en ski le soleil daigne se montrer pour nous permettre de finir en beauté ce raid vraiment exceptionnel. La descente sur le lac est tout d’abord un vrai régal en neige transformée puis ça devient légèrement pateux, puis la neige devient rare et enfin on se retrouve sur l’herbe : normal nous sommes redescendus d’une traite à 1600 m.
Encore quelques kilomètres de marche skis sur le sac et on pourra ranger le matériel…jusqu’à l’hiver prochain !
Un grand merci à Philippe Gabarrou, Guide de Haute Montagne qui lors d’une rencontre l’an dernier à Tierbergli m’avait parlé avec passion de ce raid et un grand merci aussi à Rémi et Virginie pour leurs infos très précieuses sur l’ensemble de l’itinéraire.
Plus d’informations précises sur chaque étape :
– Gwächtenhorn : Traversée de Voralp Hütte à Tierbergli Hütte
– Steinhüshorn : Traversée Tierberglihütte – Trifthütte
– Dammastock : En traversée de TriftHütte à Tiefenbach
– Lochberg : En traversée de Tiefenbach à Wiggen
Avertissement : Le tour du Dammastock est un raid relativement engagé aux étapes longues, souvent exposées aux avalanches et qui nécessite vraiment d’excellentes conditions pour être bouclé raisonnablement.
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